La copie privée est une exception au droit d’auteur. Elle a trouvé son origine pour la première fois en Allemagne (en 1965) en règlement d’un contentieux entre la société de
gestion de droits d’auteurs (La Gemma) et un fabriquant d’enregistreurs (la société Grundig).
La France a adopté son principe en 1985 avec la loi Lang. Aujourd’hui elle existe dans toute l’Europe à l’exception de Chypre,
du Luxembourg, de l’Irlande, de Malte et du Royaume Uni. Mais ce dernier est sur le point de l’adopter.
Son principe est celui de l’autorisation pour une personne de reproduire une œuvre pour son usage exclusivement privé ou dans
le cercle familial.
En contrepartie de ce droit à autoriser, une partie du prix d’achats des consommables servants à la copie est prélevée en
compensation. La notion de consommable a évolué au fil du temps ; à l’origine ce sont essentiellement les vidéocassettes et les CD, aujourd’hui la notion a été étendue aux clefs USB, aux
disques durs externes, aux Smartphones et plus récemment aux tablettes numériques (Ipad..). Cette redevance (et non pas taxe comme on l’appelle souvent par erreur), très controversée, une fois
collectée est reversée aux sociétés de gestion collective des auteurs, des artiste s interprètes et des producteurs.
Le montant total des sommes perçus en 2010 est très important, 189 millions d’euros en 2010. Le site de l’association pour la copie privée
fait ainsi état de 200 000 artistes (créateurs et interprètes) qui en bénéficient chaque année. En France la loi Lang
prévoit que 25% des sommes collectées sont réservées à des soutiens aux actions artistiques. En 2010, toutes sociétés de gestions collectives confondues ce sont 47 millions d’euros qui ont été
distribués en soutien à l’action artistique, à savoir 5 000 manifestations et initiatives culturelles qui ont été soutenues en France.
A une période où l’argent public, qu’il s’agisse de l’Etat ou des Collectivités Territoriales, se fait rare, c’est une manne
bien utile pour les créateurs.
Ce régime qui a fait ses preuves en France et en Europe depuis plusieurs décennies est aujourd’hui mis en péril de toute
part.
En France à l’initiative des constructeurs de matériels avec parfois le soutien bienveillant des associations de
consommateurs, l’application de la rémunération pour copie privée est en suspend.
Un arrêt du Conseil d’Etat (17 juin 2011) a considéré que le régime français
n’était pas conforme à la directive européenne du 22 mai 2011 sur les droits d’auteurs et les droits voisins. C’est l’arrêt dit « Padawan » (21 octobre 2010). Ainsi l’ensemble des
barèmes qui avaient été fixés pour le prélèvement des redevances pour copie privée a été annulé. Un délai jusqu’au 22 décembre 2011 avait été accordé à la commission qui fixe ces barèmes pour
mener des études d’usage afin de légitimer les barèmes. Hors, il est vite apparu que ce délai n’était pas suffisant. Le gouvernement afin d’éviter un blocage préjudiciable à toute la culture, a
fait voter en urgence une loi en décembre 2011 pour repousser à fin 2012 l’établissement de nouveaux barèmes.
Par ailleurs la commission européenne étudie le sujet depuis plusieurs années.
Elle vient de confier à Antonio Vitorino, ancien commissaire européen à la justice une mission de médiation sur le sujet.
En arrière plan, c’est bien l’harmonisation européenne qui se profile et qui ne s’est pas satisfaite de ce régime pour copie
privé fort différent dans les pays membres. Les intérêts en présence sont très opposés entre les ayants droits attachés à cette source de financement et les industriels et les consommateurs qui
exigent une baisse significative de ces prélèvements.
Michel Barnier, le commissaire français en charge du dossier a annoncé que la médiation commencerait son travail début 2012
pour s’achever avant l’été2012. Nous y sommes et M. Vitorino a pris du retard tant la consultation a été prolixe en propositions.
Rappelons l’ambitieux objectif que c’est fixé la commission : « proposer une
législation favorisant la fluidité des échanges transfrontaliers d’équipements assujettis aux prélèvements pour copie privée tout en garantissant une juste compensation pour les actes de copie
privée ».
Rappelons que la France a mis en place le dispositif le plus favorable en Europe et qu’il est fort à craindre qu’une
harmonisation européenne ne se fasse par le bas, donc au détriment des français.
Déjà de nombreux parlementaires français se sont interrogés sur la légitimité du système actuel où la redevance pour copie
privée peut être de 2,60€ en France pour 1,50 € en Allemagne et 0,67€ en moyenne dans l’Union européenne.
Le gouvernement de Monsieur Ayrault, dans la
suite du programme de Francois Hollande s’est engagé à revoir, outre HADOPI, l’ensemble du dispositif pour aboutir à une grande loi qui signera « l’acte l’an 2 de l’exception
culturelle ». Nous savons d’ors et déjà que la loi de 1985 sera remise sur le tapis et rediscutée à la lumière des évolutions technologiques intervenues entre temps.
Par ailleurs le parlement européen, vient de voter contre le traité anti contrefaçon ACTA par 478 voix contre et 39 voix pour
(165 abstentions). Ce texte avait fait l’objet de nombreuses polémiques puisque négocié dans le plus grand secret entre une dizaine de pays. La lutte
contre la contre façon concernait aussi bien le secteur physique que numérique. Pour les militants des libertés numériques de texte était
inacceptable et surtout liberticide. En particulier il y figurait la procédure simplifiée pour les ayants droits d’obtenir des informations des fournisseurs d’accès à internet.
Ainsi qu’il s’agisse de l’avenir de la copie privée ou d’une manière plus générale des usages autorisés ou non autorisés sur
internet, de la diffusion et de l’accès à la culture en ces temps numériques cela bruisse aussi bien à Paris qu’à Bruxelles. Le temps des
incertitudes va peut être toucher à sa fin, celui des abus de position dominante aussi.