Nourris plus qu’abondamment par la culture américaine, nous décollons de Paris, direction San Francisco pour un vaste programme de visites dans le grand ouest américain. Les figures mythiques sont nombreuses : San Francisco est une allégorie à elle toute seule, la Maison Bleue, le Golden Gate, les rues qui montent et qui descendent (Bullit..) le berceau du jeans avec Levi Strauss & Co, La Silicon Valley, l’Université de Berkeley, le Grand Canyon, Las Vegas, Los Angeles, Hollywood, les plages de Santa Monica, Venice , Malibu, Santa Barbara … Impatience manifeste pour ce rendez-vous crucial avec l’imaginaire incarné….
Trois thèmes majeurs dominent l’imaginaire de Frisco.
Le film Bullit et Steve McQueen ont ancré dans l’imaginaire collectif les décors de San Francisco. La folle course poursuite de la Ford Mustang GT Fastback de 1968 est un grand classique de l’histoire du cinéma. Elle érige les rues de San Francisco en images mythiques connues du monde entier. Les images s’affolent et l’on voit en accéléré les paysages de Potrero Hills, les rues de Russian Hills, de Marina District, les rues sont à pic, on aperçoit les célèbres cable cars. En fond de décors surgissent fantasmatiquement l’île d’Alcatraz, la Coït Tower… le mythe de Frisco est né au rythme pétaradant de la Mustang conduite par Steve McQueen et de la Dodge plus sourde, la musique de Lalo Schifrin répétitive, puis assortie de cuivre entêtants, appuie cette initiation.
La Maison Bleue, pour les français essentiellement, est un point de passage obligé. Cette chanson de Maxime Le Forestier a été un immense tube dans les années 70 jusqu’à s’ancrer définitivement dans le top 10 des chansons françaises éternelles. Il est vrai qu’elle résume tout un pan de l’histoire de San Francisco et de l’épopée Hippies. Avec le peu d’argent gagné grâce à ses premiers succès, Maxime Le Forestier part pour San Francisco. Il a une adresse comme point de chute, il y restera plusieurs semaines, partageant la vie d’une communauté hippie au nom mystérieux de Hunga Dunga … De retour en France pour remercier les habitants de la Maison bleue il leur composera une chanson, sans imaginer que celle-ci allait connaitre une telle destinée.
C'est une maison bleue
Adossée à la colline
On y vient à pied
On ne frappe pas
Ceux qui vivent là ont jeté la clé
On se retrouve ensemble
Après des années de route
Et on vient s'asseoir
Autour du repas
Tout le monde est là
A cinq heures du soir
Quand San Francisco s'embrume
Quand San Francisco s'allume
San Francisco
Où êtes-vous
Lizzard et Luc
Psylvia
Attendez-moi
Le Golden Gate est à San Francisco ce qu’est la Tour Eiffel à Paris, un signe emblématique. « La Porte d’or » est le pont suspendu qui relie la ville de San Francisco à celle de Sausalito, il franchit le détroit qui délimite la baie avec le Pacific. Long (1970 m.), large (30 m. et élevé (230 m.) il domine la partie haute de la ville. Souvent la brume venue du Pacific l’ondoie d’un voile flottant qui parfois masque certaines de ses formes. Il est le fantôme de la ville, le gardien des mystères, la porte éternelle qui s’ouvre sur le pouvoir de l’imaginaire. Sa construction a débuté en 1933 et s’est achevés seulement en 1937.
C’est le cinéma qui a contribué à l’édification de sa légende. Ce sont des dizaines de films qui ont pris appui sur son légendaire tablier et ses deux tours dressées. En1958, Hitchcock i s’inspire de son décor pour « Sueur froide », Mickael Jackson l’enrôle dans son clip « Can You Feel It » en 1980 et le voile d’un arc en ciel. Tous les grands du cinéma s’y mettent, James Bond en 1985 dans « Dangereusement vôtre » mène un combat homérique au sommet même du pont, 1994 « Entretien avec un vampire » se clôt dramatiquement sur le pont, l’une des scènes les plus célèbres est sans conteste celle de « Rock » en 1996 où Nicolas Cage et Sean Connery, pilotant deux avions de chasse passent sous le pont avant d’aller larguer leurs bombes sur la forteresse d’Alcatraz.
Le cinéma s’acharne à le faire disparaitre : dès 1955 « Le monstre vient de la mer », il affronte une pieuvre géante qui finit par le détruire, dans « X-Men » Magnéto le défait avant d’accéder à Alcatraz, « Magnitude 10,5 » voit son effondrement suite à un gigantesque séisme, « Fusion » ce sont les rayons micro-ondes du soleil qui le fond fondre, enfin le film d’animation s’en empare dans « Monstres contre Aliens » c’est un énorme alien qui le détruit en apothéose du film…
Mystique, il est aussi le point de passage : en 2011 « La Planète des singes : Les origines » l’armée des singes le traverse en sentier de gloire, en 2010 « Le livre d’Eli » les deux personnages centraux se retrouvent enfin sur le pont. 2000 c’est la sortie de « Boys and girls » il est le trait d’union entre les deux adolescents…
Modernité oblige, les jeux vidéo les plus célèbres s’en inspire comme le jeu Grand Theft Auto, Midtown Madness 2 ou encore Woman’s Murder Club et bien d’autres
Nombreuses sont les séries américaines en vogue qui épousent sa cause : « Sliders », « Monk », « Charmed », ‘Raven » et bien sûr les célèbres « Chroniques de San Francisco » adaptée du roman qui a fait le tour du monde d’Armistead Maupin.
La littérature, le cinéma, l’architecture, la peinture et la musique… ont accompagné mon existence et les Etats Unis d’Amérique y occupent une place de choix. La Californie est manifestement un peu plus importante dans cette mythologie que les autres états. L’histoire des pionniers, la construction du cinéma à Hollywood, la génération beatnik ont créé cette centralité. J’ai toujours rêvé fortement l’Amérique, elle fait partie de ma construction intellectuelle. Dans mon milieu de Bobos parisiens, cet enthousiasme est de mauvais aloi. L’Amérique c’est le Grand Satan pour nombre d’intellectuels, pseudo ou pas.
Qu’importe, moi je me laisse guider et porter par le rêve américain. Un vol low cost avec la compagnie Xl-airways, bien moins désastreux qu’annoncé, onze heures de vol tranquille, la jeune fille assise à côté de nous fait partie de notre groupe, les autres sont répartis dans le reste de l’avion. C’est au compte-goutte que notre guide à l’arrivée dénombre ses futures brebis. Les quatre derniers se font attendre… cela commence bien. Il faudra pourtant que ces 39 personnes prennent l’habitude de respecter la règle commune du rendez-vous.
C’est enfin parti, il est 18h25, nous sommes partis de Paris à 15h50, drôle de manière de remonter le temps. L’impatience est totale et ce sera la frustration, avec laquelle il nous faudra bien nous habituer à vivre tout au long de ce voyage. Le temps de sortir, il est déjà bien tard et c’est l’atterrissage dans un motel un peu sinistre à deux pas de l’aéroport, un repas d’une tristesse infinie et le Golden Gate à quelques miles, toujours invisible. La star se fera désirer toute la nuit, nuit infinie d’attente et d’avidité impatiente.