Le premier tour s’approche, il y a une constance dans tous les sondages sur les intentions de vote au second tour, François Hollande est dans la fourchette la plus basse à 54%, on peut penser sérieusement qu’il a toute les chances de l’emporter. Après 17 années de présence à l’Elysée l’UMP est en passe de perdre le seul pouvoir politique qui lui restait.
La campagne se joue, comme en 1981, sur une vague constante de rejet de la politique menée par la droite jusqu’ici, et une interrogation sur ce que le PS sera en mesure de faire. En 1981 Georges Marchais faisait 15,35 % pour le PC, Mitterrand 25,85% derrière Giscard d’Estaing qui est à 28 ,32%. Les sondages d’aujourd’hui donnent une configuration assez identique avec la réussite de J.L. Mélenchon donné à 13 ou 14 % dans les sondages du moment. Hollande lui est à égalité avec Sarkozy et bénéficie de sondages pour le deuxième tour nettement plus favorable que Mitterrand en 1981 qui était dans les dernières semaines donnés à 50/50.
La gauche va-t-elle gagner ? Un peu d’histoire, ayant été actif dans la campagne de 1981, j’ai un peu de mémoire, et surtout dans un cabinet ministériel en 1981, celui du doux (et difficile) nom de « Temps libre ». Ce fut une belle campagne, mais difficile car Georges Marchais jouait le même rôle que Jean Louis Mélenchon aujourd’hui : tacler la campagne de Mitterrand. On sait même qu’aujourd’hui il a fait voter contre Mitterrand au second tour sous le manteau. Mais bon, le mouvement était trop fort, trop puissant, trop populaire Mitterrand l’a emporté à 51,76% des suffrages. L’installation dans les cabinets ministériels fût un grand moment, une belle émotion. J’organisai le 10 juin une grande fête populaire place de la République avec Higelin et Téléphone pour fêter la déclaration de Léo Lagrange sur les congés payés. Quel souvenir…mais l’émotion a laissé vite la place à un sentiment de frustration et de rancœur.
Je peux dire j’y étais… et je sais de quoi je parle. Malgré mon jeune âge, 27 ans, l’un des plus jeunes membres de cabinet ministériel, j’ai vite compris que nous étions, allons, environ 500 à avoir occupé les places dit du « pouvoir », très vite j’ai vu ce que le pouvoir de l’argent, des médias (ils n’avaient pas encore été libérés) mais aussi de la haute administration, puis le pouvoir de l’international avaient de force et que nous n’étions pas grand-chose face à eux. Mitterrand (qui avait l’expérience du pouvoir) nous avait bien prévenus, mais ce fut violent. Un jour je raconterai par le menu détails ces quelques mois qui ont suivi la victoire de la gauche. J’ai compris au bout de quatre mois que la fête était finie. Grâce à un grand ministre, qui était aussi un grand militant de la gauche laïque, André Henry, j’ai appris à ravaler ma colère, à persévérer, à me battre et à cesser de me voiler la face avec mes illusions. L’envie de claquer la porte a été forte, j’appartenais à un cabinet militant, je suis resté, jusqu’à ce que le pouvoir nous renvoie lui-même à l’occasion d’un remaniement.
Ce fut salement fait, pas un coup de fil avant, rien, un licenciement pur et simple. Des coups bas je pourrai en raconter. Mais ce que je retiens d’essentiel, c’est que dans ce ministère entre autre de l’éducation populaire et de la vie associative, nous avons été seuls à la bataille, les militants de gauche une fois la victoire assurée, sont rentrés sagement chez eux. Pire, nos ennemis les plus acharnés ont souvent été ces « militants » de gauche.
Ce que je veux expliquer, c’est que la gauche ne peut pas gagner simplement dans les urnes, les forces qui lui sont opposées sont encore là et plus violentes que jamais. Je vois bien les débats qui ont lieu aujourd’hui : mon candidat (à gauche) est le plus beau et toi tu n’es pas le bon (Hollande) ; je suis la vraie gauche, tu es la fausse gauche. Gesticulation d’estrades… quel qu’il soit, ils n’ont pas le pouvoir seuls de faire gagner la gauche.
François Hollande élu, le Parti Socialiste aura une lourde responsabilité, détenteur de tous les pouvoirs politiques nationaux et locaux, ceci grâce au basculement historique du Sénat à gauche. Tous les pouvoirs, cela parait une garantie, illusion d’optique ; plus qu’en 1981 encore il faudra une puissante mobilisation de toute la gauche pour faire avancer ses idées. Il faudra aussi une large unité dans les mobilisations à venir. Comme en 1936 le pouvoir politique aura besoin d’un soutien populaire actif pour faire avancer et triompher la gauche.
Ce n’est pas acquis, c’est même loin de l’être. Mais les puissantes mobilisations contre la dernière réforme des retraites ont montré le potentiel existant. C’est ainsi que nous ferons gagner la gauche, dans les urnes puis dans l’unité des luttes et de la pression populaire. Le travail est énorme, il est devant nous, c’est une question de responsabilité sociale de chacun d’entre nous. Faire voter à gauche au premier tour, puis en se rassemblant au second tour.