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15 mai 2013 3 15 /05 /mai /2013 16:40

France1On parle aujourd’hui de filières économiques dans le domaine de la culture, certains avancent l’idée « d’industries créatives ». Quel chemin parcouru depuis les années 1980 où quelques pionniers s’échinèrent à réconcilier Culture et Economie et à inventer l’ingénierie culturelle et son management. Il est légitime de se poser aujourd’hui la question de savoir si la culture y a gagné à se « noyer » dans un univers aussi vaste que celui des industries Créatives.

Le concept de tourisme culturel apporte la preuve de l’intérêt qu’a pu trouver la culture à s’allier avec le tourisme. Cette ouverture « sémantique » a permis aux personnes en charge du développement touristique de prendre appui sur le développement culturel pour monter « l’ambition » de leurs projets. Animations du patrimoine, spectacles, musés et expositions sont devenus très vite des atouts dans les mises en valeurs touristiques. De son côté, les artisans du développement culturel ont pu légitimer les investissements publics dans leurs activités en pointant très justement les retombées économiques, en particulier par le biais du tourisme. La culture y a–t-elle perdu son âme ? Je ne le pense pas. Cette « alliance » du tourisme et de la culture a permis, ces 25 dernières années, de développer intelligemment de nombreux territoires, en donnant de l’espace et de la voix à la culture sous la forme de réhabilitation d’éléments du patrimoine, l’implantation de festivals, le développement et la création de musées.

Dans cette période de crise caractérisée par l’asséchement des financements publics, la stratégie du retrait et du repli sur soi est une tentation facile. Ce serait le retour aux « fondamentaux  de la culture ». Dans un pays comme la France, la puissance de ces fondamentaux est impressionnante. S’agirait-il de redéfinir le périmètre acceptable du champ culturel ? Mais la construction de digues fictives pour isoler et donc protéger les fondamentaux de la culture est une pure illusion, illusion dangereuse… Ce serait le retour d’avant 1981, période où les créateurs se voyaient affublés de la sébile du mendiant chaque fois qu’il était question de subventions .Nous avons suffisamment bien connu cette période où le créateur aussi bien que l’acteur culturel, se voyaient confiner dans le rôle du parasite…

La culture était bien en elle-même et recentrée, mais elle était alors privée de toutes perspectives et surtout de toutes ambitions. Si la culture française a connu depuis une trentaine d’années ce rebond fantastique c’est bien parce qu’elle a su s’ouvrir et dialoguer avec entre autre l’industrie et l’économie.

La meilleure manière de défendre la lecture publique, n’est-ce pas de mettre en avant la filière économique et industrielle de l’édition ? Aussi faut-il plus que jamais, au cœur de cette crise montante, continuer à affirmer que des industries culturelles nous sommes bien passés aux industries créatives…. Le numérique et les nouvelles technologies ont donné des « ailes » à celle-ci. L’opéra, la littérature, l’art et le patrimoine n’ont rien à perdre à marcher aux côtés de ces industries créatives.

Les années Lang ont conduit à développer largement le champ de l’acceptation culturelle. Le rock, les arts de la table, ceux de la rue, la bande dessinée ont rejoint les territoires de la rue de Valois. Les disciplines musicales, théâtrales ont élargi leur champ de vision au même moment où ces mêmes disciplines connaissaient un décloisonnement remarquable. La chorégraphe allemande Pina Bausch en est une illustration vivante et convaincante : danse, théâtre, musique… on ne sait plus. Mais c’est bien la manière de s’y perdre et de ne plus s’y reconnaitre qui a redonné du corps, de la force et de l’esprit au spectacle vivant. C’est de cette manière que l’exploration de nouveaux espaces artistiques a enrichi la culture.

Il en a fallu de l’audace à ces pionniers qui les investissaient et d’autres qui intégraient l’économie et l’industrie dans leurs perspectives de développement culturel. Culture d’élite ou culture populaire ? Nous y sommes plus que jamais, et je dirai presque enfin ! C’est à la fin de la 2ième guerre mondiale qu’au cœur du Conseil National de la Résistance que s’est construit l’idée même de l’éducation populaire, celle-là même qui saurait réconcilier la culture d’élite et la culture populaire. « Peuple et Culture » a été un grand moment de ce courage-là. Si les mouvements d’éducation populaire se sont affaiblis depuis et d’une certaine manière ont échoué, l’ouverture de la culture à toutes ces composantes à contribuer à « ouvrir les portes », ces farouches portes du théâtre, entre autre, dont Jean Vilar stigmatisait la difficulté à les faire franchir par le plus grand nombre.

Le pas est à moitié franchi, les mentalités ont évolué, ne bradons pas tous ces efforts par un réflexe de peur et de repli. Nous ne pouvons qu’être fiers de cette ouverture et de cette extension de la culture à l’industrie puis à l’économie et à toute la création.

Pour mémoire rappelons ici la définition que l’UNESCO donne des industries culturelles et créatives : « entendues comme les secteurs d’activité ayant comme objet principal la création, le développement, la production, la reproduction, la promotion, la diffusion ou la commercialisation de biens, de services et activités qui ont un contenu culturel, artistique et/ou patrimonial ».

L’Unesco poursuit en énumérant les principales caractéristiques :

-      L’intersection entre l’économie et la culture ;

-      La créativité au cœur de l’activité ;

-      Le contenu artistique, culturel ou inspiré de la création du passé ;

-      La production de biens et de services fréquemment protégés par la propriété intellectuelle — droit d’auteur et droits voisins

-      La double nature : économique (génération de richesse et d’emploi) et culturelle (génération de valeurs, de sens et d’identité) ;

-      L’innovation et le renouvellement créatif ;

-      Une demande et des comportements du public difficiles à anticiper ;

-      Un secteur marqué par la non-systématisation du salariat comme mode de rémunération du travail et la prédominance de micro-entreprises.

Arts de la rue, musiques actuelles, réseaux sociaux, nouveaux cirques, dématérialisation de l’art et de la création vont tous dans le bon sens. Pratiques amateurs et pratiques professionnelles ne s’opposent pas, elles se nourrissent l’une de l’autre.

Le musée lui-même a su aussi se métamorphoser… du temple conservateur qu’il fut longtemps, il a pris part à la croisade des nouveaux territoires  pour de nouveaux publics. Beaubourg est allé à Metz et le Louvre à Lens, avec le succès que l’on sait.

Le Louvre partiellement exposé à Lens c’est certes une forme de simplification, l’épure de l’idée d’un musé, il ne supplante pas Le Louvre, il l’accompagne et il l’initie.

La culture est ainsi sortie de « ses murs », il en est né un dialogue avec la société qui loin de menacer ses fondamentaux, a élargi leurs légitimités. Du « supplément d’âme » nous sommes passés à la justification d’emplois et à l’explication de modèles économiques propres à la musique ou au théâtre. Le mariage n’a pas été simple, nous n’en sommes peut-être qu’au PACS, mais qui voudrait sincèrement revenir en arrière ?

Quelque part la culture a cessé d’être une religion, même si elle a encore quelques beaux restes… ou du moins elle s’est dépouillée de tous ses oripeaux inutiles. On pourrait souhaiter qu’elle ait gardé la foi en sacrifiant juste l’ornemental et le discursif. Le mystère du temple a faibli et en même temps « les servants » se sont éparpillés sur les parvis… Ce « mystère » bien souvent occulte, qui se définissait comme dédié au plus petit nombre a laissé la place à une parade festive où la parole s’est lâchée…

 

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commentaires

C
<br /> Brillant plaidoyer, ô combien d'actualité dans cette période en recherche de valeurs et de sens. A bas la pensée unique, vive la multipolarité créative ! Introspecter un pays stérile, comme je le<br /> fais en ce moment permet de ressentir la souffrance que peut ressentir un pays cloisonné, fictivement prospère...<br />
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  • Né en 1952, ancien élève de l’Institut d’études politique de Paris et titulaire d’une Maîtrise de Lettres , j'ai   été Directeur des Relations Extérieures de l’ADAMI et professeur associé à l'université d'Evry . Je suis aujourd'hui à la retraite et je continue à enseigner. Ce blog est né d'une passion celle de l'écriture, liée à mon insatiable curiosité., d'où la diversité des rubriques.
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Bonne lecture.
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