Fiscalisation des
allocations familiales et désindexation des retraites.
Voilà la rumeur qui courre sur le complément de plan de rigueur que concocte le gouvernement pour le budget 2014. Depuis ce matin, c’est cette chanson que l’on entend en boucle sur les médias, on va « taper » sur les
allocations familiales et les retraites. Quel beau signal envoyé à l’opinion pour un gouvernement socialiste… plus d’un d’entre eux doit être perplexe à ce jour…
Après les différents épisodes en zig zag sur le déficit budgétaire et la
prévision du taux de croissance, le gouvernement a fini par heurter le mur du réel, brutalement… les 3 % chèrement promis sur tous les tons ne seront pas atteints. La séquence suivante enchaine
donc sur les efforts qu’il faut encore consentir : ce seront les familles et les retraités.
Ce gouvernement a-t-il seulement la conscience des
« reculs » historiques qu’il inflige à la gauche et ses thématiques phares ? C’est donc le premier président de la cour des
comptes, Didier Migaud qui ouvre le bal : « "Les prestations
familiales, les allocations familiales, le fait qu'elles soient fiscalisées ou pas, c'est un sujet qui peut être mis sur la table". De son côté le
ministre de l’économie et des finances Pierre Moscovici se retranche sur les résultats attendus de la mission confiée à Bernard Fragonard, ancien président de chambre à la cour des comptes et
présentement président délégué du haut Conseil de la famille.…
On voit bien le tour de passe passe, un avis de haut expert plus un
rapport et la justification serait établie aux yeux du gouvernement.
C’est donc la politique familiale, pilier ayant résisté à toutes les
tempêtes politiques, qui se verrait démâté… outre que les allocations familiales seraient soit plafonnées, soit intégrée dans le calcul de l’impôt sur le revenu, il est un autre dispositif lié au
retraite qui se verrait tout aussi rogné.
Il, existe pour le calcul des retraites une majoration de 10 % à partir de
trois enfants, jusqu’ici cette majoration ne rentrait pas dans le calcul de l’impôt. Sa réintégration prévue rapporterait ainsi 800 millions d’euros à l’état. Il n’y pas de petits profits, si
misérables soient-ils. La fiscalisation dans son ensemble de ces revenus liés à la famille pourrait combler les 2,6 milliards d’euros de déficit de la caisse nationale des allocations familiales
(CNAF).
Dans le même élan « inspiré » la désindexation des
retraites apporterait encore 1 milliard d’euros en 2014 et passerait à 6 ou 7 milliards en 2020.
Evidemment l’UMP crie au
loup, pourtant ce sujet n’était pas étranger à ses propres réflexions quand Bruno Lemaire en août 2011 envisageait de « verser
une allocation dès le premier enfant et étudier en contrepartie une fiscalisation totale ou partielle des allocations familiales ?"
Cette proposition avait alors suscité un tollé, particulièrement du côté de la Droite Populaire : "il serait dangereux de remettre en cause les fondements de la politique familiale de la
France. Son financement doit être assuré, mais il ne peut en aucun cas s'appuyer sur une fiscalisation des allocations versées".
Nous sommes là au cœur même d’un sujet éminemment politique : la famille, à un moment où le gouvernement en faisant passer sa loi sur le Mariage pour tous a déjà mobilisé le ban et l’arrière
ban des conservateurs français de tout poil, qui y voient une négation dangereuse de la Famille.
Le débat risque d’être sulfureux.
Si la France mène depuis l’après guerre une politique de soutien à la famille, elle n’occupe plus que la 8e place
en Europe (2007 – source EUROSTAT), elle consacre 2,6 % de son PIB aux dépenses familiales. Le Danemark (3,88%), la Luxembourg (3 ,7%), l’Allemagne (3,29%), la Suède (3,14%), la
Finlande ? l’Islande et la Norvège font donc mieux.
Pourtant la France affiche un des meilleurs taux de natalité d’Europe, à savoir un taux de fécondité de 2,01 enfants par
femme (2010). Elle se place ainsi au 2ième rang, après l’Irlande, de la CEE. Sa politique familiale menée depuis l’après guerre ne doit
pas y être étrangère.
La politique familiale est un pivot de la politique tout court,
d’autant plus qu’elle s’exerce en lien directe avec celle des retraites. Jacques Bichot, dans « les politiques sociales en France au XXième siècle » estimait que :
«la politique familiale est la conséquence de la prise en charge collective des échanges entre générations ». Les enfants des retraités ne sont plus là simplement pour assurer le paiement des retraites de leurs parents, c’est bien la collectivité qui par le système des
retraites par répartition qui l’assume. Il poursuit par : « Ce ne sont pas les cotisations vieillesse qui préparent les pensions des actifs actuels ; c’est la mise au monde des
enfants, leur entretien et leur formation ».
Ce n’est donc pas innocent de prendre le risque de « toucher » au dispositif. L’état est responsable devant l’avenir de ces échanges entre générations. Garant de
l’égalité des chances et de la pérennité du dispositif, politique familiale et politique des retraites sont intimement liées. C’est pourquoi ces annonces risquent d’ébranler fortement la société
française, jusqu’à jeter des foules entières sur le pavée des rues conspuant les socialistes…