Beaucoup de bruits pour pas grand-chose, mais c’est surtout l’occasion pour les réactionnaires de tous poils de se manifester et faire entendre leur voix. Je suis donc allé voir à la source de l’information, à savoir le Journal Officiel, ce que tout le monde devrait faire avant de lancer des affirmations, souvent péremptoires, mais surtout fausse.
Tout d’abord il ne s’agit pas à proprement parler d’une réforme de l’orthographe, mais de la parution au J.O. d’un décret qui date de 1990… ce qui a laissé le temps, théoriquement à tous d’y réfléchir, d’abord les premiers intéressés, les éditeurs de livres et de manuels scolaires et les enseignants bien sûr. Quand on voit ce qu’ose déclarer Jean d’Ormesson, homme de talent, mais surtout de mauvaise foi. Il était en 1990 favorable aux recommandations du conseil supérieur de la langue française, validées par l’Académie française. Aujourd’hui, sans rire, il dit : « À l’époque, j’étais plutôt favorable à cette tendance réformatrice. Parce qu’il y a vingt-cinq ans, les gens n’étaient pas malheureux comme aujourd’hui, et le pays dans cet état. »
Rappelons que le français est une langue vivante qui n’a pas cessé au fil des siècles d’évoluer et de s’adapter intégrant même des pans entiers de langues étrangères…
Ces fameuses rectifications orthographiques concernent environ 2000 mots, qui soulignons-le accepteront les deux orthographes.
Quant à l’accent circonflexe, les réseaux sociaux ont répercutés de gros malins : comme Landezy Yves : « Je vais me faire un petit jeûne » « Je vais me faire un petit jeune » De l’importance de l’accent circonflexe. Ou bien cet autre @j_nij2015 qui proclame « Courage à tous les Jerome qui vont perdre leur accent circonflexe ».
Et nous avons eu des tonnes de bêtises de ce genre. Eh bien non les mots jeune/jeûne ne sont pas concernés et les noms propres non plus.
Et enfin pour ce qui est des enseignants il n’y a aucun caractère obligatoire à enseigner cette orthographe revisitée en 1990. Ainsi le hashtag #JeSuisCirconflexe n’a pas lieu d’être.
Sur cette histoire d’accent circonflexe on ne peut pas éviter de citer le texte lui même, parfaitement clair :
« 4. Accent circonflexe.
Si l’accent circonflexe placé sur les lettres a, o et e peut indiquer utilement des distinctions de timbre (mâtin et matin ; côte et cote ; vôtre et votre ; etc.), placé sur i et u il est d’une utilité nettement plus restreinte (voûte et doute par exemple ne se distinguent dans la prononciation que par la première consonne). Dans quelques terminaisons verbales (passé simple, etc.), il indique des distinctions morphologiques nécessaires. Sur les autres mots, il ne donne généralement aucune indication, excepté pour de rares distinctions de formes homographes.
En conséquence, on conserve l’accent circonflexe sur a, e, et o, mais sur i et sur u il n’est plus obligatoire, excepté dans les cas suivants :
a) Dans la conjugaison, où il marque une terminaison :
Au passé simple (première et deuxième personnes du pluriel) :
nous suivîmes, nous voulûmes, comme nous aimâmes vous suivîtes, vous voulûtes, comme vous aimâtes.
À l’imparfait du subjonctif (troisième personne du singulier) :
qu’il suivît, qu’il voulût, comme qu’il aimât.
Au plus-que-parfait du subjonctif, aussi nommé parfois improprement conditionnel passé deuxième forme (troisième personne du singulier) :
qu’il eût suivi, il eût voulu, comme qu’il eût aimé.
Exemples :
Nous voulûmes qu’il prît la parole ; Il eût préféré qu’on le prévînt.
b) Dans les mots où il apporte une distinction de sens utile : dû, jeûne, les adjectifs mûr et sûr, et le verbe croître (étant donné que sa conjugaison est en partie homographe de celle du verbe croire). L’exception ne concerne pas les dérivés et les composés de ces mots (exemple : sûr, mais sureté ; croître, mais accroitre).
Comme c’était déjà le cas pour dû, les adjectifs mûr et 6 décembre 1990 Documents administratifs 13.
sûr ne prennent un accent circonflexe qu’au masculin singulier.
Les personnes qui ont déjà la maîtrise de l’orthographe ancienne pourront, naturellement, ne pas suivre cette nouvelle norme. (Voir Analyse 3.3 ; Recommandation 4.)
Remarques :
— cette mesure entraîne la rectification de certaines anomalies étymologiques, en établissant des régularités.
On écrit désormais mu (comme déjà su, tu, vu, lu), plait (comme déjà tait, fait), piqure, surpiqure (comme déjà morsure) traine, traitre, et leurs dérivés (comme déjà gaine, haine, faine), et ambigument, assidument, congrument, continument, crument, dument,
goulument, incongrument, indument, nument (comme déjà absolument, éperdument, ingénument, résolument) ;
— sur ce point comme sur les autres, aucune modification n’est apportée aux noms propres. On garde le circonflexe aussi dans les adjectifs issus de ces noms (exemples : Nîmes, nîmois.) »
Ainsi si moi j’adopte nénufar et ognon, je garde l’accent circonflexe.