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Il est né dans une famille italienne à Lyon, le 11 mars 1934, ses attaches lui ont tenu au corps jusqu’à sa fin, le 22 octobre 2001 à Bobigny à l’âge de 67 ans. Italien, lyonnais et amateur de football, c’est ainsi que je l’ai connu dans les années 1981. Mais surtout fou, fou de théâtre, fou de cinéma, éperdument tourné vers un public qu’il voulait rendre de plus en plus sensible aux œuvres magistrales de l’esprit, au sens où l’entendait André Malraux, et surtout Jean Vilar.
A la sortie de la guerre, il est manœuvre sur les chantiers dès l’âge de 14 ans. Chaque moment de liberté, il le passe au stade, mais aussi au cinéma. Footballeur ou acteur, son cœur balance, mais ce sera acteur, il monte à Paris et frappe à la grande porte : le cours Charles Dullin. Il y apprendra toutes les ficelles du métier de 1951 à 1953. Il a 19 ans, c’est Roger Cayatte qui le révèle dans « Avant le déluge ». Film franco-italien, qui révèle les tensions de la guerre froide. Cinq jeunes gens, dans la panique générale due à un risque de guerre nucléaire, décident de s’enfuir et de se réfugier sur une île au fin fond du Pacifique. Roger Coggio, pour son premier film, partage l’affiche avec Bernard Blier, Marina Vlady, entre autre.
Il enchaine en 1955 avec Raymond Bernard qui adapte un roman de Philippe Hériat, « Les Fruits de l’été », il y retrouve Edwige Feuillère, Pauline Carton et Henri Guisol.1956, c’est la rencontre avec Robert Hossein qui tourne « Pardonnez nos offenses » avec Marina Vlady, mais aussi Pierre Vaneck, Giani Esposito, Julien Carette, Samy Frey, Roger Dumas, Rosy Varte et Dario Moreno. C’est l’histoire de deux bandes rivales, jeunes délinquants contre jeunes gitans !
Puis il tourne, en 1957, avec Léonide Moguy « Donnez-moi ma chance », une jeune femme est découverte dans un concours, elle quitte son village pour « monter » à la ville. La distribution est brillante : Michèle Mercier, Noël Roquevert, Françoise Brion, Henri Crémieux, Maurice Biraud, Marie-José Nat …
A 23 ans il a déjà une belle filmographie et surtout de belles rencontres. C’est alors qu’il fait la rencontre qui va changer sa vie et surtout donner un sens à son amour naissant du théâtre, Jean Vilar l’accueille au Théâtre National Populaire (TNP) de 1957 à 1960. Il l’encourage à la mise en scène. Il sera donc de la grande aventure d’Avignon, nous dirons deuxième partie.
Vilar a créé le festival à Avignon en 1947 dans la cour d’honneur du Palais des Papes. Cela fait déjà dix ans qu’ont rejoint Jean Vilar : Alain Cuny, Michel Bouquet, Silvia Montfort, Jeanne Moreau, Maria Casarès, Philippe Noiret, Monique Chaumette, Jean Le Poulain, Charles Denner, Georges Wilson et surtout … Gérard Philipe, déjà célèbre par le cinéma, l'icône du théâtre français, avec ses rôles du Cid et du Prince de Hombourg.
En travaillant au TNP et au festival d’Avignon, Roger Coggio voit grandir en lui l’idée même du théâtre populaire, qu‘accompagnent à ce moment-là les mouvements de jeunesse et les réseaux laïques.
Ainsi sur cette période jouera-t-il-en :
- 1957 : Henri IV de Luigi Pirandello, mise en scène Jean Vilar, TNP Festival d'Avignon
- 1957 : Meurtre dans la cathédrale de Thomas Stearns Eliot, mise en scène Jean Vilar, TNP Festival d'Avignon
- 1958 : Lorenzaccio d'Alfred de Musset, mise en scène Gérard Philipe, TNP Festival d'Avignon
- 1958 : Œdipe d'André Gide, mise en scène Jean Vilar, TNP, Festival de Bordeaux, Festival d'Avignon
- 1959 : Meurtre dans la cathédrale de Thomas Stearns Eliot, mise en scène Jean Vilar, TNP Festival d'Avignon
Nourri de cette épopée du théâtre Roger Coggio met en scène et joue « le journal d’un fou » de Nicolas Gogol en 1963. L’aventure est considérable, elle le portera toute sa vie, il fera le tour du monde avec cette pièce. Encore aujourd’hui si les hasards de ma vie professionnelle m’amène à évoquer le nom de Coggio, je tombe immanquablement sur la même remarque « ah ! Oui je l’ai vu dans le journal d’un Fou, c’était inoubliable ». Il finira par en faire un film en 1987, dont j’ai encore le souvenir même du tournage, un tournage à la Coggio, avec le respect des règles syndicales, tarifs et pauses comprises.
1968, la révolution de mai bat son plein et Roger Coggio tourne avec Orson Wells « Une histoire Immortelle » avec Jeanne Moreau.
1973 c’est aussi l’aventure de « Belle » d’André Delvaux avec Danièle Delorme et Jean-Luc Bideau.
Il fait la rencontre d’Elisabeth Huppert et réalise quelques grands succès populaire comme « Silence... on tourne » (1976), « On peut le dire sans se fâcher » (1978), « C'est encore loin l'Amérique » (1979).
Nous nous sommes connu peu après en 1981. Il venait de tourner un chef d’œuvre en adaptant l’œuvre de Molière « les fourberies de Scapin ». En proie, comme il l’a a été toute sa vie, à des dettes effroyables, il était venu chercher le secours d’André Henry, Ministre du temps Libre, dont j’étais le conseiller. Ce fût le début d’une grande amitié, après lui avoir ouvert les portes, jusque-là fermées, de la télévision, il obtint quelques rachats de droits qui lui donnèrent l’air dont il avait besoin.
C’est à ce moment-là que nous avons créé les Amis du Cinéma Populaire (ACP) avec pour objectif de porter à l’écran les grandes œuvres du répertoire théâtral français. Partant du constat que les Anglo-Saxons avait su le faire pour leur répertoire. Mais les ACP, c’est aussi l’histoire d’une méthode originale de préfinancement des films par le public et d’un élan ou d’un retour vers l’esprit même de l’éducation populaire. Mais les années 80 n’étaient pas dans l’esprit des années 50. S’il put tourner ou faire tourner quelques films, il renoua avec les difficultés financières. Son caractère intransigeant et son incapacité à travailler ses relations, l’isolèrent peu à peu du monde du cinéma. Il réalisa ou produisit encore :
- 1982 : Le Bourgeois gentilhomme
- 1984 : Les Fausses Confidences de Daniel Moosmann
- 1985 : Monsieur de Pourceaugnac de Michel Mitrani
- 1985 : Rue du départ de Tony Gatlif
- 1987 : Le Journal d'un fou
- 1989 : La Folle Journée ou le mariage de Figaro
- 1998 : Je suis vivante et je vous aime de Roger Kahane
Il s’est installé dans les années 1970 à Plessis Luzarches (Val d’Oise), une maison qu’il a rachetée au chanteur Hugues Auffray située au coin, de la rue de la Mairie et celle du moulin. Il y connu sa dernière grande aventure sentimentale avec Fanny Cottençon avec laquelle il s’installe à la fin des années 80, elle partage sa passion jusqu’à coproduire avec lui ses films sur le modèle des ATP. Elle lui donnera un garçon Maxime né en 1990. Ce dernier a depuis entamé une carrière d’acteur, il a aujourd’hui 24 an, a tourné dans « Section de recherches » (2013)) pour la télévision, « Famille d’accueil » (2010) et un téléfilm « Comme chez soi » (2010). Au théâtre, il a renoué avec les amours de son père en jouant dans « « On ne badine pas avec l'amour», d'Alfred de Musset avec Annabelle Bril et Ada Grudzinski.
Roger Coggio est rattrapé par la maladie, Fanny Cottençon et leur fils Maxime l’accompagnent dans ses derniers moments.
J’aurai la chance de leur revoir une dernière fois en novembre 2000 à Cabourg, à l’occasion de la première Rencontre Européenne des Artistes, où je l’ai invité à débattre et à parler de son expérience unique dans un atelier intitulé : « Nouvelles formes d’exercices du métier d’artiste- interprète ».
Il repose dans le petit cimetière du plessis-Luzarches, sous un caveau de marbre noir avec juste en lettre dorée son nom : Roger Coggio.