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30 septembre 2016 5 30 /09 /septembre /2016 18:04
Ces retraités que l’on sacrifie, puis qu’on oublie…

C’est une bien curieuse période qui s’ouvre à celle ou à celui qui prend sa retraite, elle est, au moment où ils entreprennent leur démarche, pleine de surprises… bonnes et mauvaises. Mal préparés, ils sont livrés à l’indifférence de la société.

Première période, on élimine.

La première sensation est d’abord celle d’une incroyable liberté et d’une délivrance, comme si le travail avait fini par devenir un boulet de plus en plus lourd à tirer. Mais à ce sujet, il faut bien dire que la plus grande majorité des employeurs maltraitent leurs séniors… Il ne fait pas bon dans le milieu de l’entreprise de rentrer dans la soixantaine, voir encore plus tôt. On dérange, on pèse, et s’ouvre alors une période douloureuse où tout est bon pour vous faire sentir que vous êtes de trop. Cela peut dans certains cas aller très loin… le harcèlement prend une tournure dangereuse et c’est tout l’équilibre du sénior qui est alors en danger. Malheureusement, les statistiques, en France, sont terribles ; burn-out, suicide. La presse a fait état des méthodes scandaleuses du management, d’Orange, c’est désormais dans les mains de la justice. Mais le procédé est le même un peu partout. Et pour le coup, public et privé c’est malheureusement la même chose.

Car la nouveauté, et nous le devons à Sarkozy, c’est qu’un patron ne peut plus mettre à la retraite d’office le sénior qui a atteint l’âge de départ à la retraite. Alors celui qui manifeste le souhait de continuer devient une cible à abattre.

Dans ce contexte, l’enclenchement du processus de départ à la retraite suscite dans un premier temps le soulagement. Ceci pour les moins meurtris. Pour ceux qui auront connu l’acharnement à les faire partir, le retour à une situation psychologique normale peut être très long, plusieurs années. Un gâchis…

L’entreprise recrache le salarié, comme un substrat desséché.

Ensuite… il faut bien réorganiser sa vie financièrement, mais aussi prendre à bras le corps tout ce temps libre qui s’ouvre ainsi. En 1981, il existait un ministère du Temps Libre que son titulaire André Henry a bien eu de mal à faire vivre… c’est dire combien la société française s’accommode mal de cette notion du temps libre.

Aujourd’hui, on vit de plus en plus vieux, et le temps de la retraite devient un pan entier de la vie des femmes et des hommes qui y accèdent.

À ce titre, les derniers gouvernements ont pris des mesures pour retarder l’âge de la retraite, dans un sain souci d’équilibre des comptes. Mais quel paradoxe, on demande aux travailleurs de travailler plus longtemps, mais on les élimine de plus en plus tôt de l’entreprise, en France du moins.

Notons que cette étrange conjoncture est en train de constituer des cohortes très importantes de femmes et d’hommes mis au rebut, parfois dès 50 ans et dans une situation où il est impossible pour eux de retrouver un travail. Actuellement, ils ont droit à trois ans de chômage (mais la droite nous promet de mettre fin à cet avantage) et après… ils sont encore loin de faire valoir leurs droits à la retraite. Ils passent alors par la casse perte de leur patrimoine, pauvreté, RSA et autres situations misérables qui aggravent encore le sentiment de déclassement. C’est aussi bien souvent la solitude qui suit les pertes de repères. Les femmes sont encore bien plus touchées que les hommes.

Enfin, quand ils arrivent à l’âge de la retraite, ils sont loin d’avoir les trimestres nécessaires et ils se retrouvent avec des retraites frappées d’abattement de 20 à 30 %.

La société ignore ses retraités.

Cà, c’est l’impact financier… il n’est pas anodin, on s’en doute. Mais ensuite pour ceux qui seront passés entre les gouttes et qui vont connaître cette situation… s’ouvrira une période où ils ne seront plus rien… Je suis surpris de constater que dans mon milieu toutes ces personnes avec lesquelles j’ai échangé professionnellement et parfois de façon intense… m’ignorent totalement. On passe de l’autre côté du mur, dans un « après » où tout ce qui a constitué notre personnalité, notre savoir, notre expérience cesse instantanément. Je me souviens encore d’une « amie » qui a l’occasion d’un diner avait proclamé doctement que les retraités ne faisaient plus partie de la société et qu’ils devaient en perdre la plupart des droits… Vous ne travaillez plus… alors, taisez-vous et disparaissez de notre vue. C’est assez brutal, j’avais pris le propos pour les mots d’une personne peu intelligente et qui ne réfléchissait pas… mais je constate que dans les faits c’est bien ce qui se passe. C’est insidieux, mais peu à peu dans les faits on disparait de tous les radars du monde des vivants, de ceux qui travaillent. On entend alors le bruit du monde qui s’éteint peu à peu pour devenir un brouhaha dans lequel on devient peu à peu des fantômes.

Pourtant en 2016, un citoyen de 60/65 ans a derrière lui tout un patrimoine d’expériences, bien souvent une excellente santé, tout pour en faire un citoyen actif et productif.

Je constate cruellement que la société française (car il n’y a pas que les patrons à l’œuvre, mais aussi certains salariés qui en tirent bénéfices) tranche brutalement entre le passage de la pleine activité à la cessation d’activité.

Nulle part, on n’organise d’intelligentes transitions avec un passage de savoir. Non, on élimine à la hache, en aveugle et sans pitié.

Un gâchis organisé à la française.

Notre société vieillit, et le nombre de retraités ne cesse de croitre. Je ne vois nulle part de réflexions sur cette question, mis à part l’aspect strictement et sinistrement comptable de limiter sans cesse les droits à la retraite. Cela ne se passe pas si mal au final pour nombre d’entre eux, j’observe autour de moi, tant bien que mal que leur temps libre s’organise de multiples manières selon les centres d’intérêt des uns et des autres. Pour d’autres, la blessure est tout de même là… ce sentiment de toute une vie réduite à néant. Et encore une fois, les plus forts s’en sortent et les plus faibles croupissent dans des situations bien peu dignes de la France.

On voit bien en analysant les programmes des différents partis politiques que le sujet n’est pas pris en compte, qu’aucun de ces talentueux conseillers ne travaille sur cette question, comment mettre fin à ce gâchis, comment assurer une transition digne et dynamique du travail à la retraite ? Et de donner un droit de cité à tous ceux qui ont par leur travail contribué à ce que la France avance.

Ne pas accepter cet état de fait.

Les retraités perdent le lien et le peu de soutien que le mode du travail pouvait leur accorder. Les syndicats font bien peu d’effort (mis à part la CGT) pour les organiser. Pourtant ils sont une force politique, ne serait-ce que par leur nombre. Ils doivent s’organiser et faire entendre leur voix. Les solutions existent pour que cesse ce jeu de massacre, faisons porter notre voix, dénonçons les injustices chaque fois qu’elles se produisent, imposons par la loi aux entreprises qu’elles fassent une place digne aux séniors, imaginons des solutions qui en assurant la transition permettent à l’actif de passer progressivement au statut dit « d’inactif », à la clef une meilleure productivité, un apaisement des tensions dans les entreprises. Donnons à l’âge ses lettres de noblesse et construisons une société où l’homme avancera en âge en disposant en plénitude de tous ces temps que la nature lui donne.

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commentaires

C
Quand je vois les retraités dans les maisons de retraite, je pleure ! Des "êtres" complètement infantilisés, débilisés, qui ne bougent pas, qui attendent la mort. Au niveau social, complètement rejetés du système professionnel. Plus bons à rien. Des vaches à lait pour les impôts, je rappelle le scandale des impôts fonciers etc. Par exemple, à Grenoble, depuis le 1er septembre 2016, le prix du ticket de tram est passé, pour deux âgés de plus de 65 ans, de 1 € à 1,40€ sans aucune information préalable. Je pense que les décideurs, de bons socialistes pourtant, n'ont pas de soucis financiers.. Quand à considération humanitaire de ces petits vieux, j'ai vu une médecin stagiaire "ausculter" la plante de pieds pour voir s'il y avait... des escarres ! Quand à l'envie de travailler pour soi, que nenni ! Restez chez vous, braves gens. L'Etat français ne vous incite pas à continuer à vivre. La fiscalité vous devance, comme les contraintes sanitaires ! Enfin, vous l'aurez compris, je suis une retraitée !!!
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J
oui hélas je ne peux que souscrire à votre propos.
L
Bonjour JM,<br /> Un peu d'humour entre retraités?<br /> http://vanrinsg.hautetfort.com/archive/2016/09/03/10-ans-apres.html<br /> @+
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  • Né en 1952, ancien élève de l’Institut d’études politique de Paris et titulaire d’une Maîtrise de Lettres , j'ai   été Directeur des Relations Extérieures de l’ADAMI et professeur associé à l'université d'Evry . Je suis aujourd'hui à la retraite et je continue à enseigner. Ce blog est né d'une passion celle de l'écriture, liée à mon insatiable curiosité., d'où la diversité des rubriques.
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Bonne lecture.
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