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22 septembre 2013 7 22 /09 /septembre /2013 10:46

Retraites 1La retraite, mot ambigu, qui évoque alternativement un sentiment de liberté, la retraite qui a été un élément de la lutte ouvrière, une conquête sociale, mais la retraite qui est aussi devenue un élément de fragilisation des individus, une menace pour certains d’entre eux. C’est un moment charnière dans la vie des individus avec des ressentis très différents et des situations disparates. La France entretient une relation particulière avec ses séniors et donc ses retraités. Elle est l’un des pays du monde occidental à exclure le plus ses séniors du monde du travail. Il en résulte beaucoup de souffrance, un gâchis et une perte réelle de compétitivité pour les entreprises et l’économie française.

 

Il existe, en simplifiant trois situations :

 

Celui qui part au moment où il le décide, avec la totalité de ses trimestres, voir plus, ce qui lui permet d’encaisser un bonus conséquent 5 % par année de plus.

Celui qui est en poste, mais auquel on fait comprendre que plus tôt il partira mieux ce sera.

Celui qui est exclu du monde du travail, passé la cinquantaine, et qui subit l’humiliation de se voir fermer toutes les portes.

 

Le premier cas de figure ne mérite pas de développement, il est largement minoritaire, voire inexistant. Pour atteindre ce nirvana, il faut être un tueur né qui a passé sa vie professionnelle à gravir les échelons en flinguant ses collègues. Il arrive à un point de responsabilité où il est intouchable. Son éventuel départ est l’occasion de lui signer un chèque astronomique.

 

Le second cas représente une situation malheureusement courante, il suffit de regarder autour de soi. Malgré la réforme initiée par Nicolas Sarkozy qui a retiré aux employeurs la possibilité de mettre à la retraite d’office les salariés ayant atteint le nombre de trimestres requis, les employeurs se « débarrassent » de leurs seniors avec des méthodes scandaleuses.

Dans un premier temps, on retire peu à peu les dossiers, les responsabilités, on isole le salarié de son environnement professionnel. On fait bien sentir que celui-ci est « vieux », inutile, dépassé, qu’il ne sert à rien, en général on lui pousse dans les pattes un jeune loup aux dents longues pour le remplacer. Parfois même, on nie ce qu’il a pu faire dans le passé pour l’entreprise. On appuie très fort sur le fait qu’il serait dépassé. 

Avec un régime de ce type sur plusieurs mois, voir quelques années, on amène le salarié à perdre l’estime de soi, de glisser peu à peu, soit dans la dépression, soit dans l’amertume et l’aigreur qui le mineront jusqu’à sa mort. Il devient fragile, perd l’intérêt à son travail. Il est mûr pour une négociation qu’entreprendra l’employeur en situation de force.

Car à bout, amoindri, le salarié lâchera facilement pour en « finir ».

On ne peut pas s’empêcher de penser aux contrats solidarité promis et mis en place avec un fracas d’annonces par François Hollande. La formulation abstraite d’un couple ancien/jeune dans l’entreprise, le plus vieux formant le plus jeune, avec à la clef des exonérations de charges. Leur échec cinglant est la démonstration s’il en fallait une de la situation des entreprises françaises et de la mentalité qui y règne.

Sur le papier on aurait pu imaginer, en effet, une préparation à la retraite qui consisterait à ce quelques années à l’avance, un salarié transmette son savoir-faire, son expérience à l’entreprise ou directement aux salariés concernés. Cette valorisation faciliterait le départ et la rupture que représente la retraite, mais aussi l’entreprise y gagnerait à une continuité de son savoir-faire.

Faut-il ici évoquer le poison mortel que distille cette manière de faire ? Se lever chaque matin pour se rendre sur le lieu de son supplice, y subir journalièrement l’humiliation publique de son inutilité ! Qui peut survivre longtemps à un tel régime, il faudrait une force d’âme peu commune.

Le pire dans cette situation, c’est que l’on ne peut pas incriminer le seul chef d’entreprise, car pour mener à bien son projet il dispose de « collaborations » précieuses de la part des collègues de la victime en puissance. Ceux qui peuvent hériter de ses attributions, de son poste de travail et ceux qui règlent enfin des vieux comptes. Du haut de la hiérarchie, jusqu’aux bureaux jouxtant le sien, tous s’y mettent… la violence en est d’autant plus terrible.

On ne dispose pas d’étude sur le sujet… il est tabou. On ne dispose surtout pas d’études économiques mesurant l’impact de cette situation.

Non chacun agit sournoisement pour pousser dehors « l’ancien », en fermant les yeux pour ne rien y voir, et surtout ne pas penser à ce qu’il lui advienne quant son tour sera venu.

Enfin le troisième cas de figure est tout aussi alarmant. Le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans est de 39,7 % en France, ce sont donc 60,3 % des séniors qui sont au chômage. Nous sommes bien loin derrière la Suède, dont le taux d’emploi est de 70,5 %, l’Allemagne 57,7 %, le Royaume-Uni 57,1 %,…. Certes on peut se consoler avec l’Italie à 36,6 %... Mais j’aimerai connaître les chiffres sur les tranches précédentes 50 à 55 ans, voir 45 à 50 ans. On me dit que dans le secteur de l’informatique vous êtes déclarés « inemployables » dès 45 ans !

Que vont-ils devenir ceux qui perdent leur emploi à 55 ans par exemple ? Ils auront 3 années de couverture par pôle emploi, cela les mène à 58 ans et ensuite ... Rien, des allocations de misère. Souvent à cet âge on a encore des enfants qui font des études, pourquoi ne voit-on pas de reportage sur ces situations qui existent ? Poursuivons, selon leur parcours et la législation en cours ils atteindront l’âge légal de départ à la retraite, que le gouvernement se félicite d’avoir préservé, à disons au mieux 62 ans ! Dans ce cas, cela fait 7 années qui manquent, soit 28 trimestres qui ne seront pas la ! Imaginez la décote que cela représente. Le gouvernement met en avant la Grèce où les retraites ont été baissées de 20 %, eux ce sera encore plus.

Ce sont donc des bataillons de retraités qui se préparent à vivre encore longtemps, 20 ans en moyenne, avec des retraites insignifiantes. La durée de vie, dont on se félicite qu’elle ne cesse de croître (elle a cessé pourtant d’augmenter pour les hommes), risque de marquer fortement le pas. Car qu’en sera-t-il de leurs conditions de vie et de soins ? Quant au troisième âge, ce sera terrible, qui payera leurs maisons de retraite ? Leurs enfants devront payer, les mêmes dont on aggrave la situation en les faisant travailler toujours plus tard, peut être seront-ils déjà dans la situation de ne plus avoir d’emploi, c’est à l’état que reviendra la responsabilité de payer.

On aurait pu attendre d’un gouvernement de gauche qu’il intègre ces données afin d’y apporter des correctifs, ne serait-ce que d’exiger de la part du MODEF des compensations à l’augmentation des la durée de travail.

Les individus sont de plus en plus abandonnés à leur sort, livré à une société implacable et sans âme.

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commentaires

G
<br /> La solution au chomage des anciens est evidente et elle est liberale (i.e. arreter de toujours tout reguler). elle part du constat simple que l'offre et la demande regit le marche du travail.<br /> Elle se combine au fait que plus on est vieux moins on est productif (plus la capacité physique de faire les memes heures, plus la meme familiarite avec les technologies modernes de productivité<br /> etc). Donc plus on est vieux moins on est desirable (hors quelques rares metiers ou l'experience est valorisee).<br /> <br /> <br /> On a deja un premier probleme de offre et demande. <br /> <br /> <br /> ce qui ajoute au probleme c'est le niveau de couts: plus on est vieux plus on est cher dans le modele regule et anti-liberal francais. <br /> <br /> <br /> L'ecart offre et demande est donc irreconciliable.<br /> <br /> <br /> La solution est donc simple: laisser faire l'offre et la demande et donc avoir des salaires "en cloche" qui partent bas, augmentent avec l'age jusqu'a un pic d'efficacité et de valeur ajoutee par<br /> employe, puis qui decroissent avec l'age pour rester en ligne avec la valeur ajoutee cree. <br />
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  • Jean Pelletier
  • Né en 1952, ancien élève de l’Institut d’études politique de Paris et titulaire d’une Maîtrise de Lettres , j'ai   été Directeur des Relations Extérieures de l’ADAMI et professeur associé à l'université d'Evry . Je suis aujourd'hui à la retraite et je continue à enseigner. Ce blog est né d'une passion celle de l'écriture, liée à mon insatiable curiosité., d'où la diversité des rubriques.
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Bonne lecture.
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