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26 décembre 2013 4 26 /12 /décembre /2013 16:54

Il y a des mythes qui durent… les livres de la Pléiade en font partie. Alors que le 6447593413_1ecb9eb957.jpglivre numérique pointe le bout de son nez, menaçant l’ensemble de l’édition…, il pourrait y avoir des ilots de résistance. L’édition phare de la maison Gallimard ne risque pas encore de prendre l’eau : livres, albums, agendas et encyclopédie entretiennent allégrement la légende.

C’est en 1931, qu’un jeune éditeur indépendant Jacques Schiffrin (née en 1892 à Bakou dans une famille aisée investie dans la pétrochimie), créée la bibliothèque reliée de la Pléiade. Deux ans plus tard, le 31 juillet 1933, il se fait racheter par Gallimard. Il en quittera la direction en 1940 à cause de ses origine juives, Jean Paulhan prendra alors la direction de la collection. L’idée, simple au départ, devient vite un objet culte : proposer au lecteur l’édition des grands classiques en format de poche, avec une couverture en cuir souple, et un papier fin, dit papier bible.

Le nom prend sa source dans une constellation d’étoiles, mais aussi en référence au groupe de poètes du XVIe siècle (Pierre de Ronsard et Joachim Du Bellay), et enfin, on l’ignore souvent, un groupe de poètes classiques russes, pléiade en russe signifiant « empaqueté ». Le 1er exemplaire, mythique et recherché des bibliophiles est paru le 10 septembre 1931 ; consacré à l’un des plus grands poètes français : Charles Baudelaire. Le ton est donné, suivront Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, mais aussi Allan Edgar Poe.

C’est seulement après-guerre et sous la direction de la famille Gallimard (Raymond, Michel puis Antoine) que la publication se voit complétée par un «appareil critique » important confié à des universitaires de renom. A cette tache se succéderont comme directeur scientifique jean A. Ducourneau (1959-1966), Pierre Bugge (1966-1987), Jacques Cotin (1988-1996) et depuis 1996 Hugues Pradier.

C’est seulement vingt ans plus tard, en 1952 avec la publication des œuvres d’Antoine de Saint Exupéry que la collection accède au succès à forts tirages Pour Saint Exupéry, c’est la place d’honneur avec 340 000 ex., suivi de Marcel Proust tome 1, en 1954) avec 250 000 ex. et enfin Albert Camus (1962) avec 218 000 ex.

C’est à partir des années 60, que la collection s’ouvre à la littérature étrangère, puis s’étend aux textes sacrés, aux classiques asiatiques et aux textes philosophiques. Pour les passionnés, Antoine Gallimard créera spécialement la Lettre de la Pléiade, adressé trimestriellement  aux membres du Cercle de la Pléiade (adhésion gratuite).

A ces ouvrages prestigieux vont s’ajouter depuis le mois de mai 1960, les albums de la Pléiade. Chaque année en mai, à l’occasion de la Quinzaine de la Pléiade, un album nouveau est proposé par les libraires pour l’achat de trois volumes de la Pléiade. Cet album est dédié à un auteur mis particulièrement à l’honneur. Il n’est tiré qu’une seule fois à environ 40 000 exemplaires. Ce sera en mai 1960 Un Dictionnaire des auteurs de la Pléiade, particulièrement recherché des collectionneurs, avec sa suite sonore en 1961, une anthologie sonore de ces auteurs lus par des grands comédiens. Enfin ce sont successivement Balzac, Zola, Hugo, Proust et Stendhal qui suivront de 1962 à 1966. Ces albums ont déjà une cote sur le marché entre 300 et 600 euros.

Jean-Paul Sartre devra attendre 1991 pour rejoindre la collection des Albums de la Pléiade, Antoine Saint Exupéry 1994, Molière 2010 et ce sont Paul Claudel, Jules Verne et Blaise Cendrars qui ferment la marche des années 2011, 2012 et 2013.

Les albums sont au même format que les livres, mais ils sont imprimés sur un papier plus épais, afin de permettre une abondante illustration, y compris la couleur.

Collection de prestige et de réputation internationale, la Bibliothèque de la Pléiade compte à ce jour 775 ouvrages : 670 volumes pour les auteurs, 51 volumes pour les Albums de la Pléiade et 54 volumes pour l’Encyclopédie de la Pléiade (L’Encyclopédie de la Pléiade sera dirigée par Raymond Queneau à partir de 1954). Figurer dans la bibliothèque de la Pléiade correspond à une consécration absolue.

Peu ont eu l’honneur d’y entrer de leur vivant : André Gide sera le premier suivi de Julien Green, François Mauriac, André Malraux, Paul Claudel, Henry Montherlant Julien Gracq, Eugène Ionesco, Nathalie Sarraute, René Char, Claude Simon, Marguerite Duras, Marguerite Yourcenar, Milan Kundera…

D’autres mourront en cours de réalisation : Borges, Céline, Giono, Sartre et Claude Simon. Voltaire est l’auteur le plus prolixe avec 16 volumes, suivi par Balzac (15 volumes), Saint Simon et Dickens (9 volumes) et enfin Green, Giono, Hugo (8 volumes). Huit millions d’exemplaires ont été vendu depuis sa création en 1933.

Edition savante et de luxe avec sa couverture en cuir pleine peau, dorée à l’or fin, son papier bible et son cordon marque page couleur or, elle frappe les imaginations.

La chartre de fabrication est la même depuis 1931 : les livres font 11 x 17,5 cm, le papier bible est opacifié couleur chamois (36 g.), cousus-collés, reliés sous couverture pleine peau souple et dorées à l’or fin (23 carats). La fabrication est garantie pour durer…

Le caractère employé est la référence de l’imprimerie : le Garamond de chez monotype de corps 9. Le typographie se veut élégante, fine tout en étant classique, en témoigne les nombreuses ligatures au fil des pages. Enfin l’utilisation du nombre d’or dans le calcul des blancs (dans les pages de titres, avant et après les titres te intertitres)  permet d’établir un équilibre presque parfait dans les pages de chaque ouvrage.

Si les imprimeurs sont Normandie Roto et Aubin, il n’existe qu’un seul relieur (la part reliure dans le coût du livre est de 50%) : les ateliers Babouot à Lagny-sur- Marne pour environ 350 000 volumes par an.

La beauté du livre tient aussi au fait que depuis sa création la couverture est vierge de toute inscription, hormis le dos qui propose en couleur or le nom de l’auteur et le contenu du volume.

Et puisque nous sommes dans l’anti chambre du paradis littéraire, ajoutons que la reliure en cuir souple (de Nouvelle Zélande) a son code couleur selon les siècles : havane (XXe), vert émeraude (XIXe), bleu (XVIIIe), rouge vénitien (XVIIe), Corinthe (XVIe), violet (Moyen Age), vert (la littérature antique).

On ne connait que trois exception à ce code : le gris pour les textes des principales religions monothéistes, le rouge Churchill pour les anthologies et uniquement la 1ère édition de la Comédie humaine de Balzac et le noir pour la 1ère édition des mémoires de Saint Simon.

La parution d’un auteur dans ce saint des saint de l’édition est une véritable course d’obstacle. Entre le moment où la décision est prise et la sortie du premier tome il peut se passer plus de cinq longues années. Ce fut le cas pour Georges Simenon, alors qu’Antoine Gallimard prend la décision durant l’été 1998, ce n’est que le 1er avril 2003 que parait le 1er tome de ses œuvres, le troisième, lui sortira en mai 2009.

A chaque fois l’équipe éditoriale est à la peine, qui choisir pour l’appareil critique qui accompagne la publication, doit-on faire une intégrale de l’œuvre ou une sélection, organise-ton la publication chronologiquement ou par genre pour les auteurs prolixes ? Avec le temps qui passe et les découvertes universitaires qui avancent, à quel moment doit-on réviser une édition ? etc..

Mais le plus drôle est sans conteste : la course ou le marathon entrepris par certains auteurs pour « entrer de leur vivant dans la pléiade ». Ainsi Louis Ferdinand Céline écrivait-il en 1956 à Gaston Gallimard : « Les vieillards, vous le savez, ont leurs manies. Les miennes sont d’être publié dans la Pléiade (collection Schiffrin) et édité dans votre collection de poche […]. Je n’aurais de cesse, vingt fois, que je vous le demande. Ne me réfutez pas que votre conseil, etc., etc., comparses, employés de votre ministère. […]C’est vous la Décision.[…] La Pléiade et l’édition de poche pas dans vingt ans, quand je serai mort ! Non tout de suite ! Cash !». Il récidive en 1960 en écrivant : «Je risque fort d’être décédé avant d’être Pléiadé».  Ce qui fût exactement le cas puisque le 1er volume de ses œuvres paraitra en février 1962, sept mois après sa mort.

De nombreuses années sont encore à souhaiter à cette belle entreprise d’édition. Cependant elle connait déjà un déclin, alors que ce sont 450 000 ex. annuels vendus dans les années 80, aujourd’hui nous ne sommes plus qu’à 300 000 ex. Mais l’exploit est toujours là, avec une sortie attendue de 10 à 12 auteurs par an, dans la même robe d’orgueil, identique depuis 82 ans

 

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  • Né en 1952, ancien élève de l’Institut d’études politique de Paris et titulaire d’une Maîtrise de Lettres , j'ai   été Directeur des Relations Extérieures de l’ADAMI et professeur associé à l'université d'Evry . Je suis aujourd'hui à la retraite et je continue à enseigner. Ce blog est né d'une passion celle de l'écriture, liée à mon insatiable curiosité., d'où la diversité des rubriques.
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