Voilà un livre qui tombe à pic et l’on comprend bien la demande qui se manifeste auprès de l’auteur par les médias et les différents colloques sur l’Intelligence Artificielle qui se produisent depuis plusieurs mois. L’auteure, Laurence Devillers est professeur à l’Université Paris-Sorbonne, chercheuse au CNRS-LIMSI, membre de la CERNA (commission française de réflexion sur l’éthique de la recherche en science et technologie du numérique d’Allistene – alliance des sciences et technologies du numérique).
C’est un ouvrage complet, didactique et grand public qui traite avec talent le sujet sous tous les plans, je pourrai ajouter qu’il se lit d’une seule traite tant on accroche aux propos de l’auteure. C’est un livre qui donne le sentiment d’être un peu plus intelligent après l’avoir refermé.
Le pari de l’auteure est ambitieux, expliquer l’IA des robots, tout en anticipant l’ensemble des problèmes éthiques qu’ils poseront à termes, sachant que l’état actuel de l’art pose déjà problème. Mais elle le fait, et c’est l’un des attraits majeurs de son livre, en faisant appel à l’histoire, aux mythes ( le Golem, Frankenstein, Pygmalion, Prométhée …) à la philosophie pour inscrire son propos, ses analyses dans un mouvement complet à travers le temps, et elle gère cette complexité avec dextérité, sans que l’on ne s’y perde jamais.
Nul jargon, nulle phraséologie, cela se lit facilement et l’on progresse avec aisance jusqu’au point où elle souhaite nous amener, réfléchir à ce que nous voulons, ce que nous attendons exactement de ces robots et surtout de ce qu’ils vont nous apporter dans un avenir proche. Pour donner corps a ses propos elle propose à ses lecteurs de « petits récits d’anticipation » aux allures de vérité.
« … j’ai eu une grave dépression après un burn-out … le robot m’a été prescrit par mon médecin. Je lui ai donné un prénom féminin, LILY. Mon chat Fonzy a été intrigué … il l’a reniflé… observé et, au bout de très peu de temps, s’est totalement désintéressé de cet objet non vivant. Depuis que je vis avec ma robote LILY je vais peu à peu bien mieux, je n’ai plus de crise d’angoisse ! »
Ce qui donne un avant goût savoureux des projections qu’elle a effectué pour nous avertir, elle le fait avec mesure et tempérance, ce qui donne encore plus de poids à ses propos.
Bien sûr son invitation au voyage nous fera rencontrer Alan Turing, Marvin Minsky, John McCarty, Yann LeCun, et encore George Orwell, Isaac Asimov, Aldous Huxley, Mary Shelley les incontournables , mais aussi Goethe, Spinoza, Descartes, Aristote.
Enfin, elle n’hésite pas à rédiger un glossaire pour mieux nous éclairer, mais on y trouve aussi bien les mots de Cloud Computing, de Cyborg, d’algorithme que … morale, empathie et éthique, au cas où …