Jamais une élection n’aura donné le sentiment d’un pays aussi tranché dans le vif, entre une Amérique urbaine, éduquée, multiculturelle et une Amérique rurale et en partie urbaine dévastée par la mondialisation. Derrière Donald Trump, on voit se dresser une Amérique blanche, conservatrice pour ne pas dire plus, il a réussi à incarner et à faire gagner les pires penchants américains, il a rassemblé autour de lui en les exprimant avec génie les forces obscures du pays
Et pourtant ce « clan » n’a gagné qu’à l’arraché : 47,5 % des suffrages exprimés et surtout environ 200 000 voix de moins qu’Hillary Clinton.
C’est la cinquième fois dans l’histoire des États-Unis qu’un candidat accède à la Maison-Blanche en réunissant moins de voix que son concurrent.
Cette « cruelle malice » on la doit au système électoral particulier qui consiste à faire élire le Président au suffrage indirect en passant par le tamis des « Grands Électeurs ».
En clair les territoires ultras républicains se voient doter d’un plus grand nombre de Grands Électeurs que les territoires démocrates qui sont ainsi de fait sous représentés. Al Gore en avait déjà fait la cruelle expérience contre Bush, perdant avec pourtant 500 000 voix de plus que son adversaire.
Pour nous démocrates français cela nous semble totalement incongru. Pourtant nous avons avec le Sénat, notre seconde chambre parlementaire, un mode de désignation assez semblable, puisque ce sont aussi de Grands Électeurs qui votent aux sénatoriales, et là aussi le découpage est assez injuste, puisqu’il grossit artificiellement la représentation des zones rurales (classiquement conservatrices) au détriment des zones urbaines (plus à gauche).
Cette seconde chambre, Charles de Gaulle l’avait voulue comme un élément plus sage, susceptible de ralentir les ardeurs de la Chambre des députés… l’histoire a montré que cette première intention s’est aussi retournée contre lui lorsqu’il a voulu supprimer le sénat par voie référendaire.
Les spécialistes des élections américaines disent que le système des Grands Électeurs a été voulu par les pères fondateurs pour protéger l’État contre toute vague populiste… on peut dire que c’est réussi.