Le degré zéro de la réflexion politique ayant été atteint, de même des sommets ubuesques quant à ce qu’il pouvait rester de dignité aux politiques, il semble nécessaire de rappeler
ici, à défaut de programme de gouvernement, quelques idées simples quant aux réformes de l’Etat et la réduction des déficits ; ceci à un moment où l’ensemble des discours de la classe
politique et des médias convergent abusivement vers une « impérieuse nécessité » de réduire la voilure quant à notre système de protection sociale tout en passant sous silence les
réformes qui remettraient en cause les élites, leur statut, leur pouvoir et leur financement.
Les interpellations successives des deux camps consistant à accréditer l’idée qu’il existerait un camp de la réforme
et du courage face à un camp de l’immobilisme et de la démagogie relèvent de l’escroquerie intellectuelle, surtout quant on sait que ce sont les ardents défenseurs de la cause sociale qui se font
ainsi « taxer » de démagogues. Le niveau du débat reste confiné ainsi à ce qu’il y a de plus médiocre dans notre société, l’anathème, l’affirmation abusive, le credo, le dogme …
De tels propos puissamment relayés par des médias globalement complices, toutes tendances politiques confondues font
fi du bon sens des électeurs. Si ceux-ci ont balayé successivement toutes les majorités de gauche et de droite à intervalles réguliers, il doit bien y avoir quelques bonnes raisons qui
mériteraient une analyse un peu plus sérieuse qu’un « prétendu tempérament français hostile à la remise en cause de ses acquis sociaux. » ! Encore une fois ce qu’il reste
d’intelligence au débat public se trouve ainsi ramassé dans un poncif des plus désolant pour le pays de Descartes et de Voltaire.
Il serait aisé de citer à titre d’exemple la politique de mesures catégorielles dictées par le MEDEF sur les
retraites, l’assurance chômage, l’assurance maladie, la recherche, la restauration, les velléités de charcutage du droit du travail. (Cf. les 44 propositions du MEDEF), sans pour autant
circonscrire à aucun moment un quelconque projet collectif, équilibré de société susceptible de recueillir un consensus, inscrit dans le temps et tourné vers l’avenir.
Cette manière de trancher dans le vif sur les plus fragiles et les plus démunis, de décourager les classes moyennes en
leur faisant peser le poids de l’impôt le plus lourd tout en leur donnant le sentiment d’être la France qui travaille contre une France qui serait assistée, cette manière là vient d’être
sanctionnée par un « vote-manifestation » sans appel. Car cette carte de France colorée aux armes du Parti socialiste ressemble plus à une grève générale par procuration qu’à une
affirmation ou une détermination pour un projet politique, lequel n’a pas d’ailleurs été mis aux voix à l’occasion de cette consultation.
Dans ce climat avec une minorité politique déterminée à passer en force par tous les moyens y compris les artifices
les plus grossiers du mensonge est d’une gravité extrême. La prédiction de Pierre Mendes France prononcée sur le berceau d’une Vième République naissante quant à son destin funeste,
peut se réaliser quarante six ans plus tard dans des conditions tragiques si l’on y prend garde.
Afin de tordre le coup à la logorrhée verbale pseudo-réformiste des uns et des autres, voici quelques réformes
directement liées à la réduction des déficits pour interpellation des politiques : osons la réforme !
UN ETAT PLUS
SIMPLE, DONC PLUS EFFICACE.
Commençons par le plus simple et le plus évident : la suppression de l’échelon départemental (100 départements)
et la création de 8 régions (au lieu de 22) dotées de pouvoirs réels dans le cadre d’une décentralisation effective. Une telle réforme placerait la France au même niveau d’organisation
administrative que l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne et favoriserait une véritable coopération interrégionale dans le cadre européen.
Les français savent-ils que l’échelon départemental dans les DOM correspond au même périmètre que l’échelon régional,
avec des hôtels, lieux de résidence des deux administrations qui se font face.
Outre la simplification administrative, la fluidité de la coopération interrégionale dans le cadre européen, les
économies de coût de gestion considérables à envisager, il y aurait là une lisibilité politique qui s’imposerait à tous.
Dans un même esprit faut-il rappeler la parcellisation extrême de l’échelon communal ? Avec 36 500 communes, la
France détient le triste record européen de cet émiettement qui nuit à l’efficacité, la nécessaire productivité des moyens à mettre en œuvre dans les équipements collectifs et les politiques
locales de développement.
Plutôt que cette multiplication à l’infini des formules d’intercommunautalité (Sivom,…) à tiroir qui compliquent et
alourdissent financièrement les coûts de gestion, il serait nécessaire d’opérer un regroupement autoritaire des communes.
Suppression de l’échelon départemental, 6 à 8 grandes régions dotées d’un véritable exécutif et des moyens financiers
et d’action y afférents, moins de communes et de véritables collectivités locales en milieu rural ayant l’autorité et les moyens financiers pour agir, telle serait une France moderne, active et
en mesure de développer une politique sociale, culturelle et économique avec ses partenaires les plus proches de la communauté européenne.
Hormis la cohorte de notables locaux touchés par ces réformes (soit l’ensemble de l’exécutif des 100 conseils
régionaux, une bonne partie des régions et un nombre important de maires et de conseillers municipaux) qui peut s’opposer à une telle réforme ?
Deux objectifs seraient ainsi atteints : une très sérieuse baisse des coûts de fonctionnement de ces
institutions, une meilleure lisibilité des échelons locaux quant à la mise en œuvre des politiques régionales et européennes.
Enfin, en reprenant à notre compte les audaces en leur temps du Général De Gaule ne faudrait-il pas revoir notre
système bi-caméraliste, ne pourrait-on pas utilement réformer le Sénat et le replacer dans un rôle purement consultatif en le fusionnant avec le conseil économique et social ?
Ne faudrait-il pas revoir la place de l’Assemblée Nationale qui devrait être le véritable lieu de réflexion et
d’élaboration des lois, pour cela encore faudrait-il avoir la courage de revisiter la Constitution et le partage des pouvoirs entre la Présidence de la République, le Premier Ministre et
l’Assemblée, et donner aux parlementaires des moyens réels de travail et d’opposition à la toute puissante Haute Administration Française.
UN ETAT PLUS
MODESTE, DONC PLUS ECONOMIQUE.
Avec plus de simplicité, l’Etat pourrait se montrer plus modeste avant d’exiger de ses administrés des sacrifices sur
leur système de retraite ou de santé. Des gouvernements plus restreints …mettons fin aux ministères gadgets relevant de la communication politique, lesquels sans administrations n’ont, non
seulement aucun moyens d’agir, mais entravent l’action des autres ministères et pèsent inutilement sur les coûts de fonctionnement de l’Etat. Est-il nécessaire de laisser se perpétuer
l’installation des cabinets ministériels dans les hôtels particuliers de l’ancienne noblesse chassée par la Révolution ? Vendons ce patrimoine coûteux à l’entretien, installons les cabinets
ministériels dans des bureaux standards, comme n’importe quelle grande entreprises à l’image des autres pays européens ; Qu’il soit nécessaire d’une certaine pompe pour la Présidence de la
République, l’Hôtel Matignon et le Quai d’Orsay on peut l’admettre, mais l’Intérieur, les Armées, l’Education Nationale ou l’Agriculture ? Et à vivre et à travailler comme n’importe quel
autre citoyen nos élites politiques y gagnerait à plus de simplicité et une meilleure intégration dans la société ce qui pourrait leur éviter les égarements dont ils ont fait preuve ces dernières
années.
On a multiplié exagérément les établissements publics de tout ordre (EPIC, EPA …), contrôlons les fonds dont ils
disposent et plus particulièrement les réserves considérables qu’ils ont accumulés, stérilisant inutilement des fonds publics faisant cruellement défauts dans d’autres administrations. Nommons
une mission d’investigation pour mettre fin à ces abus.
Enfin poursuivons la moralisation déjà entreprise des « fonds spéciaux », si une partie du travail a été
fait en ce qui concerne les fonds secrets distribués aux cabinet ministériels, la même transparence et clarification devraient être entreprise en ce qui concerne les budgets de fonctionnement de
l’Assemblée Nationale et du Sénat.
Sur l’ensemble des politiques, la cour des comptes établit chaque année la liste des abus et chaque année ceux-ci se
poursuivent sans véritables conséquences pour leurs auteurs.
Un tel Etat lesté de « ces prétentions douteuses » serait sans aucun doute plus crédible pour entreprendre
les « réformes douloureuses » dont on nous rabat les oreilles.
UN ETAT PLUS SOCIAL, DONC PLUS
APAISE.
Faut-il rappeler cette vérité première, que la meilleure manière de réduire les déficits c’est de réduire le nombre
des chômeurs. Présentement la politique ultra libérale mise en œuvre au nom d’une liberté d’entreprendre et d’une mondialisation de l’économie a consisté à mettre à la rue des centaines de
milliers de travailleurs et d’en précariser un nombre tout aussi important. Une réduction volontaire par une relance de l’emploi de 500 000, un million de chômeurs aurait un effet immédiat sur
les comptes de la SS, les caisses de retraite et l’assurance chômage. Le phénomène s’est déjà produit il y a quelques années lorsque Lionel Jospin comme Premier Ministre déterminait et conduisait
la politique de la France.
Une politique sociale n’entraîne pas seulement des dépenses supplémentaires, elle génère aussi des effets-retours sur
les déficits et les équilibres économiques ; qu’il s’agisse de la réduction du temps de travail, laquelle libère des emplois et génère une véritable économie du temps libre, ou de la
retraite à 60 ans qui libère des emplois pour les plus jeunes et abonde de la même manière une économie du temps libre, et rend les retraités disponibles pour l’animation bénévoles des
associations sportives, culturelles et caritatives dont la société a tant besoin pour panser les plaies du libéralisme économique.
Les emplois jeunes ont fait la preuve de leur efficacité dans l’Education notamment. Leur disparition a affecté
gravement le fonctionnement des écoles, des collèges et des lycées. L’absence de dialogue et d’écoute, le refus de la concertation, l’engagement de réformes portées par une haute administration
autiste, coupée des réalités a un coût économique considérable direct par l’effet des grèves, indirect par la démotivation qui inévitablement s’installe. Comment a-t-on pu laisser s’installer
successivement un tel climat de désarroi chez les enseignants, puis chez les intermittents du spectacle et enfin les chercheurs ?
UN ETAT COMPTABLE DE TOUTES ET DE
TOUS.
L’économie de « courte vue » qui prévaut aujourd’hui n’a pas la capacité d’envisager les économies
« induites ». Dans une perspective strictement comptable, elle se refuse a comptabiliser l’impact d’un système scolaire amélioré, l’incidence d’une politique en faveur des personnes
âgés sur les coûts de santé, l’effet du ferroutage en contrepoids de la surcharge des autoroutes.
Le libéralisme économique impose à tous les effets dévastateurs de l’accélération de son mode de pensée, de sa culture
de « l’instant », de son déni de tout ce qui n’est pas comptable.
Comme toute idéologie il a réussi à pénétrer les esprits, il s’est joué de la chute du mur de Berlin et de la fin du
communisme comme d’un argument définitif quant à son unique autorité sur le monde. En clair après avoir imposé le point de vue d’un monde qui serait ou noir ou blanc (ignorant obstinément le
gris…) il a proclamé la victoire du blanc …
Et bien non, il n’y a aucune fatalité à accepter ce point de vue, certes obsédant, mais qui n’est qu’un point de vue
dans un monde où se côtoient trente cinq milliards de variété de la vie …non, décidément non il n’y a aucune raison de croire que la régression sociale, la prétendue « mobilité » des
individus seraient le seul point de sortie de la crise actuelle.
A l’absence de futur, au pessimisme tout terrain que nous côtoyons et à la régression sociale comme tout horizon, nous
opposons résolument l’esprit de découverte, la conquête de nouveaux droits, la liberté, l’insolence, le
savoir, la connaissance, le progrès et la justice.